Sur les animaux virtuels

Souvenirs de gosse et projet d'adulte

Gamin, j’ai énormement joué avec mes tamagotchis.
Le phénomène de mode était inexistant autour de moi, et je n’étais pas spécialement intéressé par les jeux vidéos à ce moment de mon existence.
Pourtant devant la publicité télévisée pour la nouvelle édition de ce jouet, j’ai commencé à en réclamer un à mes parents.

Ce n’est pas l’absence d’un animal réel qui motive mon caprice: Nous avions pourtant déjà un vrai chien, avec lequel je partageais beaucoup de moments de jeu, l’idée n’était donc pas de remplacer un animal domestique réel.

Le rapport était différent, et bien plus accessible pour un enfant.
Il s’agissait de s’occuper des besoins simplifiés d’une créature virtuelle qui, au contraire d’un sims, n’était pas bloquée dans le gros ordinateur de bureau familial (ou chez le copain de village, dans mon cas). Il fallait pour la garder en “vie” le plus longtemps possible:

  • La nourir
  • La dresser ou l’entraîner
  • Eventuellement la faire combattre (dans des versions dérivées)
  • Et surtout nettoyer ses déjections pour lui éviter de tomber malade

Le joueur averti sera ainsi à même de voir son petit tas de pixels être “heureux” et “grandir”.

La quantité d’attention que nécessite la bestiole est non-négligeable, facile donc de devenir accro. Cet intérêt, comparé à celui qu’il est possible de porter à un animal réel, est d’autant plus surprenant que l’animal virtuel ne rend pas.

Relation et besoin

La relation avec un animal virtuel est presque unidirectionnelle: l’animal a des besoins, qu’il manifeste à grand coups de bips sonores.
Le joueur réalise l’action permettant de répondre audit besoin mais n’aura pas en retour autre chose que la satisfaction d’avoir dépassé une “épreuve” (et encore, on va y revenir) dans le cadre d’un jeu informatique.

L’animal virtuel est en effet incapable d’en retour, transmettre de l’affection au joueur ou de répondre activement aux besoins émotionnels/psychologique de ce dernier. Or à priori, c’est précisement là le rôle des animaux de compagnie, qui sont capables d’apporter un support émotionnel et une relation interpersonnelle simplifiée.

Pour ne rien arranger, l’animal virtuel n’a pas de personnalité propre.
Bien que la façon de jouer de l’utilisateur va permettre d’influencer ses statistiques ou même sa forme, le comportement général de l’animal virtuel reste simple ou du moins, prévisible.
Un joueur averti saura précisement comment orienter le jeu de manière à obtenir une forme ou des statistiques données.

Dans le pire des cas, si le joueur n’est pas satisfait de la forme actuelle de son jouet, rien ne l’empêche de le laisser mourrir, ou tout simplement d’appuyer sur le bouton reset. L’animal virtuel est quoi qu’il arrive destiné à disparaître un jour ou l’autre, le jeu continuant avec l’“adotion” d’une nouvelle itération de la créature.
Par conception, l’animal est intercheangeable. La disparition d’une itération n’empêche pas le joueur de reproduire les mêmes actions afin d’obtenir une forme similaire à celle qu’il a déjà connu.

Par ailleurs, les actions réalisables par le joueur sont extrêmement schématisées. Il suffit la plupart du temps, de sélectionner l’option adaptée dans un menu, de regarder l’animation proposée par le jouet, et de se congratuler pour le “travail accompli”.
La réalisation de la tâche en elle-même ne nécessite pas (sauf exception) d’investissement particulier du joueur, pas d’engagement de sa part.
Le joueur à travers son interaction avec le jeu, ne tire pas de bénéfice direct autre que la satisfaction d’avoir répondu au besoin, là où la réalisation d’une activité présentant une certaine difficultée apporterait une plus grande satisfaction au joueur, tout en le poussant à s’engager plus dans son rapport avec le jouet.

De fait, l’intéraction en elle-même étant peu engageante, et l’animal, totalement remplaçable, il serait donc simple pour le joueur de perdre assez rapidement son intérêt pour l’animal virtuel, de le négliger, voir de l’oublier. Le principal danger pour l’animal virtuel devenant l’inaction du joueur entraînant sa mort.

Attachement

Et pourtant il existe bien un lien qui se crée avec l’animal, sinon avec sa coque en plastique.
Plus de 15 ans après, je me rappelle toujours avec plaisir de mes interactions avec ce jouet (j’étais l’heureux possesseur de deux tamagotchis, sur deux générations de jouet).

C’est à priori là que se trouve le principal point fort de ces jouets éléctroniques: si je ne me rappelle absolument pas des animaux virtuels que j’ai pu élever, je me rapelle par contre en détail des petits oeufs en plastique que j’ai eu dans les mains. L’atout se trouve dans la forme même de l’objet.

Celui-ci est constamment là, dans la poche de son détenteur (à une époque ou les téléphones portables ne sont pas une option pour les enfants), peut être gardé sous l’oreillé malgré l’avis des parents, ou caché dans la trousse à l’école. Et c’est d’ailleurs là le principal avantage par rapport un animal réel qui lui ne peut pas être constamment avec l’enfant.

Personellement c’est même très précisement la transgression des règles imposées par l’école ou les parents qui m’ont aidé à avoir une relation privilégiée avec l’objet. J’me revoie aller aux toilettes uniquement pour pouvoir sortir l’objet prohibé dans la cour et m’en occuper. Ou jouer avec mon animal virtuel tard le soir alors que la lumière aurait du être éteinte depuis longtemps. La relation avec l’objet s’est particulièrement développé dans ces circonstances dans mon cas.

Conclusion

Depuis des années j’ai plusieurs projets d’animal virtuel qui n’ont jamais abouti (mon github en est témoin). Très probablement parce que j’ai tendance à me précipiter sur une nouvelle approche technique ou une nouvelle technologie plutôt que de réflechir à ce qui fait un bon jeu: ses règles. Ce coup-ci, on fait donc les choses bien: on cherche et on réfléchit.

Ce billet résume grossièrement les points faibles et points forts que j’ai pu identifier durant mes recherches sur les différents virtual pets existant, et fort de cette réflexion je vais essayer de proposer une option qui répondra du mieux possible aux limites identifiées.

Néanmoins, ne possédant ni les connaissances techniques ni les moyens de réaliser un objet à part, ma solution prendra la forme d’un jeu mobile, ce qui impose une sacré limite niveau “relation à l’objet”.